Après avoir été interpellée illégalement et torturée par la police nationale, Rosa Jimeno fut contrainte de fixer un rendez-vous avec les membres des Commandos Autonomes Anticapitalistes réfugiés en Pays Basque Nord. Jimeno fut attachée par les jambes avec une corde sur les rochers de la baie de Pasaia, la nuit du 22 mars 1984. Au signal indiqué, le zodiac en provenance du nord s’approcha. Commença alors une rafale de tirs impressionnante. Comme l’explique Joseba Merino, Pedro Mari Isart et Jose Mari Izura furent dans la première rafale. Joseba Merino fut alors arrêté avec Rafael Delas et Dionisio Aizpuru. Delas et Aizpuru furent abattus sur place. Le médecin légiste Pako Etxeberria dénombra 113 impacts de balles sur les corps. La version officielle dit qu’il y eut un affrontement.
L’histoire proche d’Euskal Herria est pleine d’événements rudes et tristes. Des histoires de ce pays ayant dépassé celles de thrillers les plus sombres, dont l’une est celle de la baie de Pasaia.
Les témoins directs des proches décédés, Rosa Jimeno et Joseba Merino, les avocats, les habitant-e-s de Pasai Donibane, le médecin légiste Paco Etxeberria, l’ancien président Carlos Garaikoetxea, l’ancien journaliste du quotidien El Pais Fernando Orgambides et Enrique Villareal « El Drogas » ont pris part, entre autres, à ce documentaire. En prenant comme sujet principal les événements de Pasaia, le documentaire rassemble de nombreux documents, des images d’archives d’événements, des témoignages crus et des conversations émouvantes.
Malgré le fait que les personnes interrogées représentent un large éventail d’idées, toutes parlent clairement des faits : les événements de Pasaia étaient des meurtres préparés. Pako Etxeberria n’a jamais vu « autant de balles » sur des cadavres ; il affirme que « la police a tiré jusqu’à finir toutes ces munitions» et que l’objectif de l’opération était sans aucun doute « de tuer ceux qui arrivaient en zodiac ». Carlos Garaikoetxa a également utilisé des termes semblables, en ajoutant que c’était l’un des événements les plus difficiles de cette époque, lorsqu’il parle des années 80. Fernando Orgambides, l’ancien journaliste de El Pais, compare le piège mortel de Pasaia à une partie de chasse au cerf ou au sanglier.
Les tribunaux, malgré la demande de la défense, n’ont pas fait de nouvelle autopsie ni même de preuves balistiques. Les auteurs du documentaire ont dû faire eux-mêmes le test balistique de manière approximative. Les conclusions sont claires : dans la version officielle, la police a menti en déclarant qu’elle avait tiré à plus de cinq mètres, avec des munitions de chasse.
Quoi qu’il en soit, les récits de ceux et celles qui ont vécu l’événement restent les interviews les plus émouvantes, notamment celles des parents et de Rosa Jimeno. Après avoir été soumise à des tortures de toutes sortes, la police utilisa Jimeno comme appât. Le témoignage de ces dures tortures et le sentiment de culpabilité qu’elle porte depuis sont particulièrement éprouvants et touchants pour le spectateur. Les attentats du GAL, le sadisme des policiers quand ils se moquent des familles qui ont perdu leur frère, la torture, l’impunité policière ou l’impunité causée par le manque de justice pour les proches... « La baie de Pasaia » est une histoire remplie de blessures ouvertes. Les familles continuent de réclamer justice, 34 ans plus tard. En juin 2016, l’affaire a finalement été classée, le tribunal constitutionnel rejetant l’appel, et la défense a dorénavant pris la route du tribunal de Strasbourg. Les chapitres de l’histoire doivent être fermés, mais après les avoir lus. C’est la responsabilité de tous et de toutes de lire et de diffuser ces pages de notre histoire.