Raul Zelik est une « vieille connaissance » de la maison
d’édition Txalaparta, une de ces personnes considérées comme
faisant partie de la maison, bien qu'elles vivent à des centaines de
kilomètres, en Allemagne ou en Colombie. Pour ceux qui ne le
connaissent pas, disons que Zelik est politologue, écrivain et
surtout un activiste politique généreux où qu'il se trouve. Il a
été récompensé à de nombreuses reprises (avec Situaciones
berlinesas, il fut nominé pour le prix national allemand en
2005) et nous a offert d'innombrables chroniques politiques et
littéraires, en plus de traduire, avec Petra Elser, Lagun izoztua
(de Joseba Sarrionandia) du basque à l’allemand.
Nous avons rarement l'occasion de lire ce qu'un intellectuel européen
pense de nous, de cette communauté qu'est la gauche abertzale. La
plupart du temps, nous devons lire une liste interminable de clichés,
sinon de mensonges qui se sont historiquement centrés, en plus, sur
l'aspect militaire de la lutte. Pour cela, lorsque les réflexions
qui nous parviennent sont profondes, de longue portée, centrées sur
les aspects les plus sociaux et anthropologiques du mouvement
abertzale et lorsqu'elles conçoivent ce mouvement comme quelque
chose de plus qu'un groupe pratiquant la lutte armée, pouvoir les
lire est du luxe et les publier, une obligation.
La izquierda abertzale acertó est divisé en cinq chapitres
qui analysent cinq grands thèmes : l'hégémonie/contre-hégémonie,
le communautarisme, les formes de lutte, la composition sociale et
les alternatives économiques. Dans chacun d'eux, l'auteur allemand
nous martèle avec des vérités inconfortables. Pour tous, un schéma
unique et simple sera répété : la situation du concept au niveau
global et comment la gauche abertzale a-t-elle appliqué et compris
ce concept tout au long de son histoire. Comment l'hégémonie dans
la gauche globale est-elle comprise et comment avons-nous appliqué
cette idée dans notre pays ? Quelles alternatives
socioprofessionnelles sont proposées au niveau théorique dans le
monde et quelles d’entre-elles ont été appliquées, avec plus ou
moins de succès, en Euskal Herria ? D'un autre côté, comme
l'affirme lui-même Zelik, cet essai est écrit à partir de trois
positions différentes, ce qui rend sa vision encore plus
enrichissante. Il est écrit de l'extérieur, de la gauche abertzale
et de la théorie politique. Et c'est cette tension qui nous fait
repenser beaucoup de questions que nous nous n’avons pas l’habitude
de remettre en cause, et d'autres auxquelles nous n'accordons pas
beaucoup d'importance, qui peuvent être le capital que nous avons
pour « exporter » la gauche à travers le monde.
Considérant tout cela, il ne fait aucun doute que Raul Zelik a voulu
que La izquierda abertzale acertó serve d'outil à tout
activiste indépendantiste de gauche. Nous le comprenons ainsi à
Txalaparta et avec cette intention que nous le publions : pour servir
d'outil qui mette des sujets de discussion controversés sur la
table. Des sujets qui vont à la racine, là où les émotions
grandissent, pour nous insuffler un brin de fierté et d'optimisme,
en cette période de crise existentielle. Parce que la plupart du
temps, ils doivent venir de l'extérieur pour nous dire, contre
nous-mêmes, que oui, qu’ils avaient, que nous avons visé juste.